L’architecture d’intérieur au service d’une atmosphère anxiogène ?

Plus qu’un simple thriller dystopique, Severance est une réflexion magistrale sur l’architecture et son impact sur notre rapport au travail. La série illustre comment les espaces peuvent influencer notre comportement et renforcer la déshumanisation au sein d’une entreprise. Elle évoque ainsi les théories du contrôle social et de la « servitude volontaire » décrite par La Boétie.
Des couloirs labyrinthiques aux open spaces oppressants, en passant par des salles de repos ambiguës, chaque détail architectural participe à cette mise en scène glaçante. Derrière cette atmosphère captivante, l’influence de l’architecte brésilien Oscar Niemeyer est manifeste, notamment dans le design futuriste et minimaliste des bureaux de Lumon Industries.
1 – LES BUREAUX DE LUMON INDUSTRIES
📍 Bell Works, Holmdel, New Jersey

Les bureaux de la mystérieuse entreprise Lumon Industries sont en réalité situés dans le Bell Works, un bâtiment conçu par l’architecte américano-finlandais Eero Saarinen. Son design épuré et son immense façade en verre rappellent les œuvres d’Oscar Niemeyer, célèbre pour ses courbes organiques et son approche radicale de l’architecture moderne.
Les espaces de travail dans Severance sont pensés pour maximiser l’isolement et la surveillance. L’open space, immense mais sous-exploité, entasse les bureaux au centre de la pièce, privant les employés de toute intimité. Les séparateurs laissent volontairement des ouvertures pour que chaque membre de l’équipe puisse voir les autres en permanence. Cette mise en scène accentue la sensation d’emprisonnement et de contrôle psychologique.
2 – LE VILLAGE DE BAIRD CREEK MANOR
📍 Nyack, New York

Mark Scout, le protagoniste, vit dans une banlieue résidentielle en apparence paisible, mais où l’uniformité des maisons reflète l’ordre imposé par Lumon. Ces maisons identiques, situées à Nyack, offrent une vision dystopique de la vie en entreprise où l’employé est conditionné à vivre dans un cadre prédéfini.
Construits entre 1986 et 1993, ces logements standardisés privent leurs habitants de toute singularité, un écho direct à l’organisation rigide et impersonnelle de Lumon Industries.
3 – LA MAISON DE KANEJI DOMOTO À THORNWOOD
📍 Thornwood, New York

Parmi les rares lieux de la série offrant une respiration, la maison conçue par Kaneji Domoto, disciple de Frank Lloyd Wright, propose une alternative plus humaine à l’architecture oppressante de Lumon. Utilisant des matériaux naturels et de larges ouvertures en verre, elle incarne une tentative de retour à une certaine forme de liberté.
4 – LA JARDINERIE ABANDONNÉE DE SCARSDALE
📍 448 Underhill Road, Scarsdale, New York

L’une des scènes les plus marquantes de la série se déroule dans une ancienne pépinière aujourd’hui fermée. Ce lieu de rencontre clandestin entre Mark et un ancien collègue est un espace délabré, contrastant avec la rigueur clinique des bureaux de Lumon. L’aspect décrépit du lieu renforce l’idée d’une mémoire enfouie et d’un passé que l’entreprise cherche à effacer.
L’architecture comme « outil » de contrôle ?
La série Severance ne se contente pas d’utiliser des décors marquants : elle fait de l’architecture un élément central de son propos.
- Circulations labyrinthiques : empêchent toute communication entre services.
- Absence de lumière naturelle : prive les employés de repères temporels et biologiques.
- Espaces volontairement mal conçus : encouragent la surveillance et l’isolement.
- La « break room » et la salle de « bien-être » : paradoxalement oppressantes, elles servent à manipuler psychologiquement les employés.
L’influence d’Oscar Niemeyer, et plus largement du modernisme brutaliste, est palpable dans cette mise en scène architecturale. La série joue avec ces références pour transformer l’environnement de travail en un outil de soumission, renforçant le sentiment d’aliénation des personnages.






Conclusion : l’importance de la décoration et des couleurs dans notre quotidien
En s’appuyant sur une esthétique inspirée d’architectes visionnaires comme Eero Saarinen et Oscar Niemeyer, Severance parvient à faire de l’espace un personnage à part entière. Ce décor froid et aseptisé ne sert pas uniquement de toile de fond, mais devient un élément narratif essentiel pour illustrer le propos de la série : comment l’environnement de travail peut influencer notre perception du réel et renforcer des dynamiques de contrôle et d’aliénation.
Au-delà de la fiction, cette réflexion nous interroge sur notre propre environnement quotidien. La décoration, les matériaux et les couleurs jouent un rôle majeur dans notre bien-être et notre productivité. Un espace chaleureux, bien pensé, avec des textures naturelles et une palette de couleurs adaptée, peut radicalement transformer notre humeur et notre efficacité. Loin des ambiances oppressantes de Lumon, il est essentiel d’accorder une attention particulière à l’architecture intérieure de nos lieux de vie et de travail pour en faire des espaces épanouissants et inspirants.
















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